«Tirez sur l’ambulance !» C’est un peu le mot d’ordre que se donnent depuis plus d’une quinzaine d’années les critiques de tout poil lorsqu’il s’agit de parler du dernier film de Dario Argento. La gloire du maestro est bel et bien derrière lui, nul ne peut dire le contraire. Pourtant, celui qui a donné au giallo ses lettres de noblesse s’acharne malgré tout à poursuivre dans un schéma visuel qui est vraisemblablement passé de mode. A la différence d’un Romero et à l’instar d’un Hooper, Argento ne parvient pas à s’adapter à l’époque actuelle, à admettre que le regard du spectateur a changé, que ce qui était concevable il y a trente ou quarante ans ne l’est plus aujourd’hui. Les pires échos circulaient sur le compte de La Terza Madre, dernier opus de la Trilogie des Mères que le cinéaste romain désespérait de pouvoir mettre un jour en chantier. Si j’ai mal digéré les injustes quolibets adressés à sa version grand-guignolesque du Fantôme de l’Opéra et à Non Ho Sonno (Le sang des innocents en VF), je dois bien avouer que les insultes lancées contre La Terza Madre sont hélas justifiées. Seul la profusion d’effets gore particulièrement outranciers rend cette dernière tentative à peine supérieure au médiocre Il Cartaio, pathétique thriller pour grands-mères où plus rien déjà ne subsistait du style autrefois flamboyant du réalisateur de Profondo Rosso. Le lien avec les deux premiers volets de la trilogie, Suspiria et Inferno, est assuré via l’évocation de Suzy Bannion, l’héroïne de Suspiria, l’allusion aux précédents méfaits de Mater Suspiriorum et Mater Tenebrarum à Fribourg et à New York et la présence du magnétique Udo Kier en prêtre, comme un écho à son personnage de spécialiste des sciences occultes dans Suspiria. Ce que l’on retiendra de ce dernier volet, c’est d’abord un scénario dénué de subtilité, co-écrit par les deux scénaristes vedettes de la firme Nu Image (Jace Anderson et Adam Gierasch), où il suffit d’ouvrir une urne découverte à proximité d’un cimetière pour libérer le Mal. Ce Mal, c’est Mater Lacrimarum, la Mère des Larmes, qu’Argento choisit de représenter en succube sexy régnant du fond des catacombes sur des disciples débiles qu’elle disperse dans les rues de Rome. On retiendra les apparitions proprement ridicules de Daria Nicolodi en ectoplasme et la prestation guère convaincante d’Asia Argento. Et l’on retiendra bien entendu la tripaille, les tonnes de boyaux et les hectolitres de sang, seuls véritables attraits du film. A ce titre, la première séquence montrant une jeune femme étranglée par ses propres intestins est à mettre à l’actif du produit, de mêmes que les nombreuses gorges béantes et la mise à mort du prêtre, le crâne déchiqueté à coups de hachoir. Je n’épiloguerai point davantage, préférant vous renvoyer à l’excellent commentaire de Ronan Le Treste sur le blog Cinecri. A peine remis de l’accueil glacial de La Terza Madre, Dario s’est d’ores et déjà engagé dans un autre projet, le bien nommé Giallo, qui a connu une première mésaventure avec le départ de Vincent Gallo, peu enthousiaste à l’idée de retrouver Asia l’hystérique (qu’il avait déjà côtoyée dans New Rose Hotel d’Abel Ferrara). Le maestro sera-t-il capable de retrouver une dimension cinématographique ou devra-t-il se contenter du petit écran et du format court, pour lesquels il semble mieux disposé, comme l’attestent ses deux sympathiques segments pour la série Masters of Horror ?
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