mardi 28 avril 2009

Quand Milligan filmait les bains de vapeurs gay

Sur le DVD, édité par Something Weird, de The Body Beneath d'Andy Milligan figure un moyen-métrage expérimental de ce dernier qui nous ferait presque admettre que Milligan fut un jour doué d'un certain talent. Intitulée Vapors, cette rareté d'une demi-heure tournée en noir et blanc au début de la carrière de Milligan (en 1965) se situe dans une « bathhouse » (bains de vapeurs) de New-York. A cette époque, l'homosexualité était le sujet de prédilection du cinéaste, alors même que rares étaient ceux qui abordaient de manière directe ce tabou. Ainsi suit-on pendant une bonne vingtaine de minutes la discussion, mâtinée de désir, entre deux homosexuels dans un bain de vapeurs. Le second, qui pénètre en ce lieu de débauche pour la première fois, se confie au premier. L'exigüité du décor oblige Milligan, qui tient la caméra, à user de toutes les ruses afin de permettre aux acteurs de se mouvoir confortablement et de donner au champs d'action le plus d'amplitude possible. Malgré une qualité sonore sérieusement détériorée, la chose est assez agréable à voir, car elle ne s'éternise pas et évite (parfois de justesse) ce ridicule inhérent aux longs-métrages du réalisateur. Les acteurs, chose rare chez Milligan, ne sont pas mauvais. On peut y voir un témoignage sociologique et y mesurer combien Milligan a gâché un talent certes limité mais effectif en s'aventurant par la suite dans l'horreur et le fantastique. Pour s'en convaincre, il suffit de regarder The Body Beneath, une grotesque histoire de vampirisme avec un révérend diabolique, un bossu débile, des succubes peinturlurées en vert, une scène de cul et une pincée d'hémoglobine.

lundi 20 avril 2009

AroVideo, la boutique interdite aux rednecks

En Nouvelle-Zélande, trouver des films qui sortent de l'ordinaire ressemble à un parcours du combattant. Les franchises de vidéo-clubs qui pullulent dans les grandes et moyennes villes (United Video, Civic Video, Video Ezy) ne proposent à la vente que le tout-venant de la production hollywoodienne. Le « cinéphage » à la recherche de bonnes affaires fréquente habituellement les enseignes de la chaîne The Warehouse, sorte de gigantesque Foir'Fouille où l'on trouve de tout, et notamment une foule de DVD pas chers. Si l'on prend le temps de fouiner parmi les tonnes de boitiers empilés les uns sur les autres, on parvient parfois à dénicher, entre un Roland Emmerich et un Jim Carrey, quelques objets intéressants. C'est comme cela que j'ai pu extraire du lot deux titres de la collection Midnite Movies édités par MGM, L'île du Dr. Moreau avec Burt Lancaster et The Man with X-Ray Eyes, un fort agréable Corman de la grande époque avec Ray Milland. Maigrelet, mais mieux que rien. En fait, c'est bien simple, il n'existe en Nouvelle-Zélande qu'une seule et unique boutique spécialisée dans l'exploitation et l'art-et-essai. Située sur les hauteurs de la capitale Wellington, sur la bien-nommée Aro Street, AroVideo ne paye pourtant pas de mine. Mais une fois la porte franchie, c'est un peu la caverne d'Ali Baba. Du film d'horreur du temps jadis, du film d'auteur européen, de l'import, de la VHS... Disposant d'un budget serré, je n'ai pas pu m'offrir tout ce que je voulais, je me suis donc contenté de deux perles rares de l'éditeur fou Something Weird (un H.G. Lewis inédit en France, Color Me Blood Red, et un Andy Milligan, The Body Beneath) et de quelques friandises récentes en éditions anglophones, telles que le Hongrois Taxidermia et le très sexuel Battle in Heaven. Ladite boutique dispose également d'un site Internet où l'on peut commander par correspondance.

samedi 18 avril 2009

Andy J. Forest : de Lenzi à la Country Music

Connaissez-vous Andy J. Forest ? Ce nom, qui sonnerait presque comme le pseudonyme d'un hypothétique Andrea Forestini, a été en effet l'éphémère tête d'affiche d'une poignée de films bis italiens dans les années quatre-vingt. Débutée en 1985 entre les seins laiteux de Malisa Longo dans le Miranda de Tinto Brass, sa carrière naissante croisera par trois fois celle, déclinante, d'Umberto Lenzi, notamment pour un film de guerre riche en stock-shots, Un pont pour l'enfer, que l'éditeur de supermarchés Initial avait un temps commercialisé en VHS sous le titre de Commando Panther sous l'un de ses innombrables labels.* Et puis à l'orée des années quatre-ving-dix, Andy J. Forest disparaît subitement, un peu comme il est apparu, dans l'indifférence générale.


Il y a de cela deux ou trois ans (oui, ce blog ne parle pas toujours d'évènements récents...), le hasard a voulu que, quelques jours seulement après avoir visionné Commando Panther, je découvre qu'un certain Andy J. Forest se produisait sur la scène du Country Roque Festival, un petit mais néanmoins fort sympathique festival de country music situé dans une commune provençale non loin de chez moi, La Roque-d'Anthéron. Après les voyages et le cinéma bis, la country music est en effet ma troisième passion, et j'ai pris l'habitude, du moins si je suis dans les parages, de fréquenter ce festival depuis plusieurs années. Bref, une question me vient donc à l'esprit : s'agit-il du même Andy J. Forest, s'agit-il de celui qui fut le témoin anonyme de l'agonie artistique d'Umberto Lenzi ? Ne trouvant aucun indice satisfaisant sur le Net, je me rends sur place, en prenant soin d'apporter avec moi la VHS de Commando Panther, et assiste avec délectation à la prestation scénique euphorisante, davantage blues que country, du sieur Forest. Après le concert, je m'en vais faire un peu de causette avec l'artiste, qui signe des autographes aux quelques badauds qui achètent ses disques. Lui exhibant la cassette de Commando Panther, il me rétorque dans un premier temps qu'il n'a jamais joué dans ce film, avant de me demander «Is that Umberto Lenzi's Bridge to Hell ?», ce à quoi je réponds par l'affirmative. L'homme, qui est bel et bien NOTRE Andy J. Forest bisseux, se souvient avec amusement de ses années passées en Italie, où il s'est retrouvé embarqué dans le cinéma par pur hasard, alors qu'il menait une vie de bohème à travers l'Europe, sillonnant les routes avec sa guitare et son harmonica. Les conditions salariales, les plaisirs de la vie romaine et d'autres avantages l'incitent à s'installer un temps en Italie pour y alterner concerts et films d'exploitation. Puis le travail se faisant rare, il rentre dans sa Nouvelle-Orléans natale pour y poursuivre avec succès une carrière musicale orientée blues, cajun et country music. Son espace MySpace nous permet d'apprécier quelques uns de ses morceaux. A l'instar d'autres artistes country américains qui ne parviennent pas à s'imposer aux États-Unis faute d'une concurrence trop rude, Andy se produit toujours beaucoup en Europe. Il sera d'ailleurs de nouveau à l'affiche du Country Roque Festival (le 11 juillet 2009). Je conseille à ceux qui seront dans les environs de s'y rendre afin de poursuivre la conversation avec Andy sur Lenzi, Brass, l'Italie, le bis...



* J'ai la cassette chez moi, mais étant pour l'heure en vadrouille , je n'ai pu me souvenir du label exact, ni reproduire la jaquette céans.

mercredi 8 avril 2009

Necrologia

L'Antre de la Bête fait le point sur les personnalités disparues depuis le début de l'année 2009.


La presse a longuement relayé la disparition de Patrick McGoohan, le célèbre Prisonnier du feuilleton télévisé, mais dont le meilleur rôle au cinéma reste sans aucun doute celui du directeur de la prison d'Alcatraz dans L'Evadé d'Alcatraz du vieux Clint. En revanche, pas grand chose à propos du décès de
Ricardo Montalban (photo ci-contre), disparu le 14 janvier dernier à l'âge de 88 ans. Ce grand gaillard d'origine mexicaine avait acquis une notoriété internationale dans le rôle de M. Roarke dans la série télévisée L'île fantastique aux côtés du comédien nain français Hervé Villechaize. Quelques interventions dans le cinoche populaire européen à son actif, comme dans Le pirate noir de Mario Costa et Le déserteur, estimable western tourné en ex-Yougoslavie par Burt Kennedy. Disparus également, Pat Hingle, figure patibulaire fréquemment employée par le cinéma et la télévision, qui fut le commissaire Gordon dans les deux Batman de Burton, James Whitmore, acteur dans tout un éventail de séries B dans les années 50, passé par la case "polar italien" (Le témoin à abattre de Castellari) et réapparu ensuite dans le sous-estimé Relic de Peter Hyams. En raison de ses circonstances tragiques et de la parenté de la défunte avec Vanessa Redgrave et Liam Neeson (respectivement mère et époux), la mort de Natasha Richardson dans un accident de ski a été largement médiatisée, à la différence de celle de Ron Silver, qui a succombé à un cancer le 15 mars dernier à l'âge de 62 ans. Avant de devenir un "has been", Silver avait obtenu des rôles importants dans Blue Steel, Angle Mort, Timecop et The Arrival.

dimanche 5 avril 2009

Quand Vincent Price était "The Last Man on Earth"...

La récente adaptation de "I am Legend" de Richard Matheson, avec Will Smith dans le rôle du dernier homme sur Terre (rien que cette idée me rebute..) après qu'un virus a exterminé une partie de l'Humanité et transformé l'autre partie en hordes de vampires, a permis de se rappeler aux bons souvenirs d'une précédente adaptation datant de 1964. Malgré tout un tas de qualités et des circonstances désormais favorables, cettez lointaine version demeure, mine de rien, pas évidente à voir. A ma connaissance, elle reste inédite en France, que ce soit en VHS ou en DVD, et il faut donc se contenter de quelques diffusions sporadiques à la télévision (je me souviens notamment d'un passage dans le cycle Cinéma de Quartier de notre ami Dionnet) pour y goûter.

J'ai réussi, pour ma part, à me procurer une édition australienne bon marché, sous un label nommé Silver Screams qui comprend également La Nuit des morts-vivants de Romero, La Nuit de tous les mystères de Castle et un fort intriguant Mania, qui cache en réalité un chef-d'oeuvre de John Gilling, L'impasse aux violences. Bien que présentant une copie médiocre, cette édition a néanmoins le mérite d'exister.

Co-adaptée par Matheson lui-même mais mal-aimée de l'écrivain qui retirera son nom du générique pour le troquer contre un pseudonyme (Logan Swanson), cette version, intitulée The Last Man on Earth, fut produite par American International Pictures et tournée à l'économie dans les rues de Rome. Vincent Price, comme toujours excellent dans un rôle proche du mimétisme (il est d'ailleurs le seul dont la voix ne soit pas doublée), y évolue au milieu d'acteurs italiens bien connus des amateurs de bis (Emma Danieli, Giacomo Rossi-Stuart, Franca Bettoja, Umberto Raho). Cette proximité étonnante n'est là qu'un des multiples détails qui situent l'oeuvre aux confins du bizarre, parmi lesquels nous pourrions citer la séquence des militaires jetant les cadavres au feu (une allusion possible à l'Holocauste) la vieille Chevy de Price arpentant, tel un corbillard, les rues désertes d'une cité plongée dans la brume, ou encore quelques imperfections techniques qui, avec le temps, ont affirmé le charme du film (un mixage un peu aléatoire qui entrecoupe les dialogues de silences bruts). Les pavés de presse italiens de l'époque attribuaient la réalisation à Ubaldo Ragona, alors que la véritable paternité du film revient en réalité à Sidney Salkow, téléaste dont ce fut-là le seul titre de gloire.

Les Feebles de Peter Jackson : le DVD australien

Je me souviens qu'un obscur "journaliste" d'une revue spécialisée dont je tairai le nom avait, au cours d'un article à la gloire du DVD, simplement suggéré que l'on jette à la poubelle nos vieilles VHS poussiéreuses. Bien stupide celui qui suivit ce conseil car, à l'heure où le DVD est déjà en passe d'être supplanté par le Blu-Ray, nombreux sont les films qui n'ont jamais été réédités sur un autre support que la VHS. Parmi eux, Les Feebles, spectacle musical de marionnettes destiné aux adultes que beaucoup considèrent, à juste titre, comme l'oeuvre la plus irrévérencieuse de Peter Jackson période Nouvelle-Zélande. On se souvient d'une estimable édition en version française chez Antarès & Traveling (visuel ci-contre) qui fait désormais office de pièce de collection. Car malgré l'envol de la notoriété internationale du sieur Jackson (suite à une adaptation d'aventures fabuleuses dont le nom m'échappe..), Meet the Feebles reste incompréhensiblement inédit chez nous en DVD. Il existe bien une galette espagnole, Los Feebles, mais point d'édition francophone digne de ce nom.

En Nouvelle-Zélande, où je me trouve désormais, on se doute que le film fait l'objet d'une attention particulière. La chaîne de librairie Whitcoulls affiche notamment des portions d'étagères remplies de DVD de Meet the Feebles. Cette édition australienne de chez Stomp Entertainment (voir ci-dessus), sans le moindre supplément ni sous-titres - quand bien même un simple sous-titrage en anglais aiderait le spectateur peu anglophone à saisir la portée caustique de dialogues fleuris - propose néanmoins le film en version intégrale dans une copie d'une qualité irréprochable.

samedi 4 avril 2009

Les débuts de Roger Donaldson en Nouvelle-Zélande

Australien d'origine mais immigré dès l'âge de vingt ans en Nouvelle-Zélande, Roger Donaldson fait partie, à l'instar de Geoff Murphy, Peter Jackson, Lee Tamahori, Vincent Ward et plus récemment Niki Caro, de ces cinéastes Kiwis qui ont conquis Hollywood. Lorsque l'on connaît la carrière éclectique de Donaldson aux Etats-Unis - une comédie romantique (Cocktail), un film d'horreur (La Mutante), un film-catastrophe (Le Pic de Dante), un film de politique-fiction (13 Jours) - il devient intéressant d'effectuer un petit retour en arrière afin de découvrir ses premiers films aux Antipodes.

L'éditeur australien Magna Pacific a distribué en Océanie deux des trois long-métrages néo-zélandais du cinéaste dans une collection logiquement intitulée The Roger Donaldson Collection : Sleeping Dogs et Smash Palace. Deux films qui, à ma connaissance, n'ont jamais fait l'objet d'une quelconque distribution en France. Deux éditions soignées dans lesquelles Donaldson se plie avec plaisir à l'exercice de l'entretien, conviant le spectateur sur les lieux des tournages.


Après avoir signé en 1971 un court documentaire en hommage au héros national Burt Munro, l'un des champions motocyclistes les plus âgés à avoir battu le record de vitesse sur le circuit de Bonneville Salt Flats dans l'Utah (une véritable obsession chez Donaldson, qui réalisera plus de 35 ans plus tard un film de fiction consacré au même personnage, The World's Fastest Indian avec Anthony Hopkins), Donaldson continue pendant six ans d'alterner court-métrages de fiction et documentaires pour la télévision. En 1977, avec l'aide d'un producteur associé, il réussit à monter le financement d'un projet très ambitieux, adapté d'un roman de l'auteur local Karl Stead : Sleeping Dogs. Ce film de politique-fiction plonge la Nouvelle-Zélande dans un futur pas bien rose où, soumise à un pouvoir dictatorial, elle est en proie aux conflits opposants la guerilla aux milices du régime fasciste. Pour qui connaît la Nouvelle-Zélande, un tel scénario paraît parfaitement inimaginable. Cela dit, le film suscite un grand intérêt. On y voit un très jeune Sam Neill (Australien d'origine lui aussi) dans la peau d'un père de famille apolitique qui, fuyant un mariage désastreux, part vivre seul sur une île. Mais suite à un complot, il se voit contraint de rejoindre la résistance, aux côtés du nouveau compagnon de sa femme... Manquant probablement de moyens, Sleeping Dogs s'attarde peu sur la configuration politique du conflit (quelques images télévisées, une manifestation violemment réprimée dans les rues d'Auckland) pour davantage se focaliser sur la fuite en avant d'un homme non-violent qui ne comprend rien à ce qui lui arrive et qui, pourtant, se retrouve impliqué dans des actions de plus en plus sanglantes. Bien avant son remake du Guet-Âpent de Sam Peckinpah, Donaldson adresse déjà plusieurs clins-d'oeil au cinéma de l'oncle Sam par le biais de gunfights très dynamiques (l'attaque du motel où séjournent des soldats de l'US Army) et en important le grand Warren Oates (curieusement orthographié "Oats" sur la jaquette) dans un rôle court mais mémorable de colonel ricain. Succès critique et public, Sleeping Dogs fut l'un des facteurs essentiels à la création de la New Zealand Film Commission, qui a contribué à financer des oeuvres commerciales telles que l'Âme des guerriers ou Whale Rider (Paï en VF).

Avant de s'envoler pour Hollywood réaliser une nouvelle version du Bounty avec Mel Gibson, Donaldson eût les honneurs du festival de Cannes pour son dernier film entièrement néo-zélandais : Smash Palace. L'histoire assez sobre d'un ancien coureur automobile désormais propriétaire d'une gigantesque casse dans l'arrière-pays, qui pète un plomb le jour où sa femme le quitte pour son meilleur ami et emmène leur petite fille. Le comédien d'origine britannique Bruno Lawrence, aujourd'hui décédé et oublié alors qu'il fut une grande vedette en Nouvelle-Zélande dans les années quatre-vingt (il tenait le premier rôle dans Utu et The Quiet Earth de Geoff Murphy) prête son charisme à cet homme jadis admiré dont l'isolement et l'obsession pour les voitures conduisent progressivement à la frustration et l'éloignement de ses proches. Au-delà du drame humain qui constitue le nerf du film, c'est bien le décor autour qui monopolise l'intérêt du spectateur. D'abord cette casse, située dans la localité d'Ohakune dans l'île du Nord (et qui existe toujours visiblement !), qui a hypnotisé Donaldson au point d'en modifier le scénario pour y tourner le plus de scènes possible. Puis le paysage, évidemment, dense et majestueux. La bande-originale, signée Sharon O'Neill, a connu un certain succès hors de Nouvelle-Zélande.