mercredi 4 novembre 2009

Dana Andrews, cette "femme fatale"

Amusante et grossière bêtise relevée en relisant un vieux numéro de Mad Movies, que beaucoup sans doute ont déjà commise et qui témoigne, si besoin est, de l’acculture crasse d'une partie du corps rédactionnel de cette revue jadis fort érudite. A propos des sorties en DVD, par l’éditeur Carlotta, de plusieurs films noirs américains des années quarante et cinquante, voici ce que l'on peut lire : «Ces nouveaux héros (…), Richard Widmark, James Stewart, Richard Conte et Victor Mature vont les personnifier à plusieurs reprises, Gene Tierney, Linda Darnell et Dana Andrews venant les épauler dans des rôles de femmes souvent vénéneuses.» L’ œil du non-initié ne saurait être perturbé à la lecture de cet extrait, et pourtant cherchez l’erreur ! L’auteur de cet article semblait en effet ignorer - j'ose espérer qu'il a depuis comblé cette lacune - que Dana Andrews, en dépit d’un prénom féminisant, est un monsieur, au même titre que Dana Carvey (l’acolyte de Mike Myers dans Wayne’s World) ou Dana Ashbrook (de la série Twin Peaks). Ignorance impardonnable quand on sait que Dana Andrews figure parmi les grands d’Hollywood et qu’il a été le héros d’un classique du cinéma fantastique : Rendez-vous avec la peur de Jacques Tourneur…

mardi 3 novembre 2009

Terre Inconnue : Gros plan sur... Iulian Mihu


Iulian Mihu est considéré comme l'un des plus grands cinéastes classiques roumains. Sa carrière est intéressante à plus d'un titre : à l'instar de Manole Marcus avec qui il collabora quelques temps, Mihu a traversé la dictature communiste, qu'il a vu naître puis mourir, en se souciant tout autant de la qualité artistique de ses films que de la censure qu'il contournait avec plus ou moins d'habileté. En 1958, année de ses débuts, il co-réalise deux films avec Marcus, "La mere" (Les voleurs de pommes) d'après Tchekhov et "Viata nu iarta" (La vie ne pardonne pas), un film de guerre, avant d'acquérir sa liberté en 1961 en dirigeant seul "Poveste sentimentala" (Histoire sentimentale), un drame poignant qui met en scène la starlette Irina Petrescu aux cotés du charmant Cristea Avram, qui gagnera l'Italie à partir de 1966 pour y poursuivre une copieuse carrière dans le cinéma d'exploitation sous le nom de Chris Avram, et de Victor Rebengiuc, acteur toujours en activité aujourd'hui. L'action débute dans le décor coquet de la grande bourgeoisie bucarestoise où un jeune aspirant médecin se voit refuser un poste par son futur beau-père qui lui préfère un autre gendre. Il part alors pour la côte et s'installe dans un village de pêcheurs qui, voyant d'un mauvais œil l'arrivée de ce citadin instruit et arrogant, lui réservent un accueil hostile. Le film est l'histoire de cette adaptation douloureuse, filmée dans un noir et blanc séduisant. C'est un drame, au sens puissant du terme, dont la pesanteur parfois trop appuyée n'est pas sans rappeler le Cacoyannis de Zorba le Grec. "Felix si Otilia" (Félix et Otilia), réalisé onze ans plus tard, est considéré par beaucoup comme le chef-d'œuvre de Mihu, mais je m'attarderai plutôt sur "Lumina palida a durerii" (La lumière pâle de la douleur), épopée naturaliste d'une beauté renversante qui s'intéresse au sort d'un village oublié à la veille de la Seconde Guerre Mondiale. Conscient que le désintéressement de ses protagonistes pour la chose politique pourrait déplaire au régime, le cinéaste introduit à la fin du métrage un personnage dont la simple présence permettra au film de passer la censure : un soldat allemand, qui ne fait rien de spécial sinon que les paysans lui résistent pacifiquement et redécouvrent, au contact de cet étranger à l'allure hautaine et grotesque, le sentiment patriotique. L'épisode, caricatural au point d'en être comique, reste cependant anecdotique. Avec "Comoara" (Le trésor), aventure médiévale volontairement risible qui décrit les luttes de clans pour la possession du trésor de l'ancien roi Dace Décébale, Mihu entendait là se moquer d'un certain cinéma historique à tendance nationaliste, hérité du péplum italien, dont se rendirent coupables par le passé Nicolaescu, Mircea Dragan ou Dinu Cocea. Mais il n'y réussit pas, la censure s'empara aussitôt du film et en interdit la diffusion.