jeudi 9 octobre 2008

Joe Caligula sort enfin de l'ombre

L'excellent site Psychovision.net nous a communiqué l'information que nombre d'entre nous n'espéraient plus : Joe Caligula, l'oeuvre maudite de José Bénazéraf, fera bientôt l'objet d'une édition DVD dans le cadre d'une collection réunissant sept longs-métrages du cinéaste. C'est K-Films qui a eu cette heureuse initiative. Rappelons que Joe Caligula, interdit d'exploitation en 1966 pour cause d'immoralité, n'avait jusqu'alors fait l'objet d'aucune édition à destination des particuliers ni d'aucune diffusion en salles (hormis à la Cinémathèque). Les abonnés de Canal+ avaient toutefois pu apprécié la chose grâce, une fois de plus, au cycle Quartier Interdit de Jean-Pierre Dionnet. Du temps de la VHS, K-Films avait plus d'une fois contenté les amateurs de raretés, notamment par de précieuses éditions en VOSTF des derniers Dreyer (Ordet et Gertrud).


mardi 7 octobre 2008

L'Islande insolite de Fridriksson en DVD

Les films du cinéaste viking Fridrik Thor Fridriksson font l'objet d'un traitement spécial dans son pays, l'Islande. Les éditions DVD locales nous permettent de les (re)découvrir.

Fridrik Thor Fridriksson reste à ce jour le cinéaste islandais le plus emblématique. Le public français a eu l'occasion de découvrir ses quatre longs-métrages des années 90, tous sortis en salles à l'exception de Devil's Island, diffusé il y a peut-être dix ans sur Arte (qui d'autre ?) en version française. Ce film est resté si puissamment gravé dans ma mémoire que, lors de mon séjour en Islande, je n'ai eu de cesse de le rechercher. J'ai alors eu la divine surprise de découvrir qu'un éditeur local, Sena, avait commercialisé en DVD les quatre films en question (Devil's Island donc, mais aussi Children of Nature, Movie Days et Cold Fever), munis de sous-titres en anglais.

Devil's Island est un drame familial situé dans les années 50, du temps où l'Islande, affaiblie comme toute l'Europe par des années de guerre, était encore loin de la prospérité et de la richesse qu'on lui connaît aujourd'hui. Dans une banlieue miséreuse de Reykjavik, une femme du coin épouse un soldat américain en poste sur la base militaire de Keflavik (qui existe toujours) et part s'installer aux Etats-Unis, aussitôt suivie par son fils aîné. Revenu au pays dans les bottes d'un rouleur de mécaniques complètement imprégné de la culture yankee, ce dernier n'arrive pas à se réhabituer à son ancien environnement et créée des tensions au sein de la communauté. Tout en grossissant le trait et en jouant de situations absurdes, Fridriksson parvient à dresser le fascinant tableau tragi-comique d'une famille pauvre dans l'Islande d'après-guerre. Dans le rôle du fils prodigue, on reconnaît Baltasar Kormakur, qui allait bientôt se lancer dans une carrière de réalisateur couronnée de succès critiques (l'excellent 101 Reykjavik, le décevant The Sea) et d'un tournage américain (A Little Trip to Heaven avec Forest Whitaker, inédit chez nous). Réalisé il y a deux ans, son Jar City vient tout juste de sortir dans les salles françaises.

La vraie curiosité de la riche filmographie de Fridriksson, lequel désormais se consacre davantage à la production (via sa société Icelandic Film Corporation), est sans nul doute Cold Fever. Le sujet est lui-même des plus surprenants: apprenant que ses parents sont morts dans une contrée reculée d'Islande, un salary-man japonais entreprend alors de se rendre sur place pour y accomplir un rite traditionnel. Débarquant en plein hiver, il connaît une série de mésaventures avant de parvenir à ses fins. Cold Fever, ou la rencontre improbable et savoureuse d'Hirata, héros lunaire égaré dans un paysage hostile, avec un peuple à l'humour peu conventionnel. L'étrange mission de ce Droopy nippon ne cessant de s'exclamer "it's a very strange country", les lents panoramiques sur d'interminables étendues enneigées, cette vieille Renault DS rose progressant cahin-caha sur les routes désolées du centre de l'Islande et ces personnages tantôt pétillants tantôt lugubres incarnés par des comédiens venus d'horizons divers (Masatoshi Nagase, sorti du Mystery Train de Jarmusch, Lili Taylor en auto-stoppeuse hystérique ou encore le vieux cinéaste Seijun Suzuki, qui apparaît brièvement dans le rôle du grand-père d'Hirata), tout contribue à créer un climat insolite, et par là même une expérience cinématographique indescriptible.