dimanche 22 mars 2009

Geoff Murphy, le Kiwi qui a croqué la Seagal

Geoff Murphy s'est fait un nom parmi les amateurs de films d'action de bas étage en faisant tourner trois de nos vedettes préférées : Steven Seagal dans Piège à grande vitesse (Under Siege 2 : Dark Territory), suite rythmée du plus connu Piège en haute mer, Christophe Lambert dans un Fortress 2 que je n'ai pas vu mais dont la sinistre réputation éveille ma curiosité, et avant cela, un Rutger Hauer alors fringant dans le mollasson Blind Side (Angle Mort en VF). A Hollywood, Geoff Murphy semblait donc destiné à une sage carrière de tâcheron abonné aux séquelles périmées, jusqu'à ce qu'il retourne dans son pays natal, la Nouvelle-Zélande. Car c'est bien dans la patrie du Kiwi que Murphy a fait ses premières armes. Et lorsque l'on jette un coup d'oeil à sa filmographie néo-zélandaise, on s'aperçoit que rien, ou si peu, ne le prédestinait à aller filmer les coups de tatanes de Steven-la-cigale de l'autre côté du Pacifique.

Installé depuis quelques mois en Nouvelle-Zélande, j'en ai donc légitimement profité pour faire l'acquisition de deux de ses films les plus réputés dans cette lointaine terre de cinéma. Sorti en DVD chez Jigsaw Entertainment dans deux éditions, l'une simple et l'autre "collector" réunissant 2 disques et des tonnes de suppléments, Goodbye Pork Pie est un véritable film culte en Nouvelle-Zélande. Mais à cette époque (1981), personne en France ne semblait décidé à voir venir des antipodes autre chose que Mad Max, et de fait le film n'est jamais parvenu jusqu'à nous. Il faut avouer que la chose est probablement bien trop "Kiwi" pour pouvoir susciter un quelconque intérêt de notre part. A la fois "road" et "buddy" movie, GPP raconte comment, à bord d'une Austin Mini jaune, deux compères traversent la Nouvelle-Zélande de bout en bout, tentant de rejoindre Invercargill (ville de l'extrême sud du pays popularisée par le champion de motocycle Burt Munro, dont Roger Donaldson a tiré un film avec Anthony Hopkins). Poursuivis par la police suite à moult menus larcins, ils gagnent l'affection de la nation pour leurs exploits anarchiques relayés par les médias. Même s'il a beaucoup vieilli près de trente ans après, GPP reste très drôle, parfois même jouissif, et demeure une excellente introduction à la beauté des paysages locaux, dont la configuration a très peu évolué jusqu'à aujourd'hui, ainsi qu'à cette innocente causticité qui caractérise l'humour national. Deux ans après, Geoff Murphy entreprend de réaliser une fresque historique relative aux conflits qui opposèrent colons anglais et Maoris au dix-neuvième siècle. Considéré comme la première superproduction néo-zélandaise, Utu (qui signifie "vengeance" en langue maori) est sans doute le film qui a attiré l'attention d'Hollywood sur le talent de Murphy. Evitant soigneusement de prendre position pour tel ou tel camp, le cinéaste croise deux destins meurtris : un guerrier maori dont la famille a été massacrée par les colons, et un fermier blanc dont l'épouse a été assassinée lors d'une expédition punitive des indigènes. Film violent, parfois excessif (la décapitation du prêtre évangéliste), Utu est porté par la puissance physique de l'acteur Anzac Wallace, terrifiant en guerrier sanguinaire épris de revanche. Pour l'anecdote, un certain Lee Tamahori, qui a depuis parcouru le chemin que l'on sait, est crédité en tant qu'assistant-realisateur. Facilement accessible depuis l'Europe via Amazon.co.uk, l'édition néo-zélandaise est hélas dépourvue de sous-titres, hormis en anglais pour les passages en langue maori.