samedi 4 avril 2009

Les débuts de Roger Donaldson en Nouvelle-Zélande

Australien d'origine mais immigré dès l'âge de vingt ans en Nouvelle-Zélande, Roger Donaldson fait partie, à l'instar de Geoff Murphy, Peter Jackson, Lee Tamahori, Vincent Ward et plus récemment Niki Caro, de ces cinéastes Kiwis qui ont conquis Hollywood. Lorsque l'on connaît la carrière éclectique de Donaldson aux Etats-Unis - une comédie romantique (Cocktail), un film d'horreur (La Mutante), un film-catastrophe (Le Pic de Dante), un film de politique-fiction (13 Jours) - il devient intéressant d'effectuer un petit retour en arrière afin de découvrir ses premiers films aux Antipodes.

L'éditeur australien Magna Pacific a distribué en Océanie deux des trois long-métrages néo-zélandais du cinéaste dans une collection logiquement intitulée The Roger Donaldson Collection : Sleeping Dogs et Smash Palace. Deux films qui, à ma connaissance, n'ont jamais fait l'objet d'une quelconque distribution en France. Deux éditions soignées dans lesquelles Donaldson se plie avec plaisir à l'exercice de l'entretien, conviant le spectateur sur les lieux des tournages.


Après avoir signé en 1971 un court documentaire en hommage au héros national Burt Munro, l'un des champions motocyclistes les plus âgés à avoir battu le record de vitesse sur le circuit de Bonneville Salt Flats dans l'Utah (une véritable obsession chez Donaldson, qui réalisera plus de 35 ans plus tard un film de fiction consacré au même personnage, The World's Fastest Indian avec Anthony Hopkins), Donaldson continue pendant six ans d'alterner court-métrages de fiction et documentaires pour la télévision. En 1977, avec l'aide d'un producteur associé, il réussit à monter le financement d'un projet très ambitieux, adapté d'un roman de l'auteur local Karl Stead : Sleeping Dogs. Ce film de politique-fiction plonge la Nouvelle-Zélande dans un futur pas bien rose où, soumise à un pouvoir dictatorial, elle est en proie aux conflits opposants la guerilla aux milices du régime fasciste. Pour qui connaît la Nouvelle-Zélande, un tel scénario paraît parfaitement inimaginable. Cela dit, le film suscite un grand intérêt. On y voit un très jeune Sam Neill (Australien d'origine lui aussi) dans la peau d'un père de famille apolitique qui, fuyant un mariage désastreux, part vivre seul sur une île. Mais suite à un complot, il se voit contraint de rejoindre la résistance, aux côtés du nouveau compagnon de sa femme... Manquant probablement de moyens, Sleeping Dogs s'attarde peu sur la configuration politique du conflit (quelques images télévisées, une manifestation violemment réprimée dans les rues d'Auckland) pour davantage se focaliser sur la fuite en avant d'un homme non-violent qui ne comprend rien à ce qui lui arrive et qui, pourtant, se retrouve impliqué dans des actions de plus en plus sanglantes. Bien avant son remake du Guet-Âpent de Sam Peckinpah, Donaldson adresse déjà plusieurs clins-d'oeil au cinéma de l'oncle Sam par le biais de gunfights très dynamiques (l'attaque du motel où séjournent des soldats de l'US Army) et en important le grand Warren Oates (curieusement orthographié "Oats" sur la jaquette) dans un rôle court mais mémorable de colonel ricain. Succès critique et public, Sleeping Dogs fut l'un des facteurs essentiels à la création de la New Zealand Film Commission, qui a contribué à financer des oeuvres commerciales telles que l'Âme des guerriers ou Whale Rider (Paï en VF).

Avant de s'envoler pour Hollywood réaliser une nouvelle version du Bounty avec Mel Gibson, Donaldson eût les honneurs du festival de Cannes pour son dernier film entièrement néo-zélandais : Smash Palace. L'histoire assez sobre d'un ancien coureur automobile désormais propriétaire d'une gigantesque casse dans l'arrière-pays, qui pète un plomb le jour où sa femme le quitte pour son meilleur ami et emmène leur petite fille. Le comédien d'origine britannique Bruno Lawrence, aujourd'hui décédé et oublié alors qu'il fut une grande vedette en Nouvelle-Zélande dans les années quatre-vingt (il tenait le premier rôle dans Utu et The Quiet Earth de Geoff Murphy) prête son charisme à cet homme jadis admiré dont l'isolement et l'obsession pour les voitures conduisent progressivement à la frustration et l'éloignement de ses proches. Au-delà du drame humain qui constitue le nerf du film, c'est bien le décor autour qui monopolise l'intérêt du spectateur. D'abord cette casse, située dans la localité d'Ohakune dans l'île du Nord (et qui existe toujours visiblement !), qui a hypnotisé Donaldson au point d'en modifier le scénario pour y tourner le plus de scènes possible. Puis le paysage, évidemment, dense et majestueux. La bande-originale, signée Sharon O'Neill, a connu un certain succès hors de Nouvelle-Zélande.

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