samedi 19 avril 2008

Guerre entre les Guignols et le cinéma français

Quiconque regarde fréquemment les Guignols de l'Info sur Canal+ ne peut ignorer les remarques désobligeantes incessamment adressées par les auteurs de l'émission au cinéma hexagonal. On y voit la marionnette de Michel Denisot énumérer avec lassitude des titres de films formés sur la base de l'impératif ou du discours direct (généralement à la première personne du singulier). Il faut bien reconnaître que Bruno Gaccio et confrères ont mis là le doigt sur une tendance maladive de notre cinéma. En effet, on ne compte plus ces dernières années le nombre de titres de films arborant les formes en question. Petit florilège : Pars vite et reviens tard, Ne le dis à personne, Je crois que je l'aime, J'me sens pas belle, J'veux pas que tu t'en ailles, Tout va bien, ne t'en fais pas, J'attends quelqu'un, Comme t'y es belle (quelle horreur, ce titre !), Et toi, t'es sur qui ? (pas mal, celui-là !), Prête-moi ta main et les deux derniers en date, Il y a longtemps que je t'aime et J'ai toujours rêvé d'être un gangster (ouf !). Bref, cette profusion de titres issus du langage parlé donne le tournis. Reconnaissons que cette mauvaise habitude ne date pas d'hier, la comédie franchouillarde des années 70-80 s'en est aussi outrageusement accomodée (deux exemples spontanés : N'oublie pas ton père au vestiaire et Prends ta Rolls... et va pointer, avec notre Jean Lefebvre national). Outre le fait d'embarrasser considérablement le spectateur au moment d'avouer à son ami quel film il est allé voir la veille, ces formes syntaxiques ont aussi une fâcheuse tendance à s'appliquer à des oeuvres manquant cruellement d'esprit franchouillard. Du coup, les Guignols, par l'intermédiaire du bout-en-train Denisot et du spécialiste ès-recettes financières Laurent Weil, s'en donnent à coeur joie : Tu devrais pas t'en faire, je crois que tu vas bien, Souviens-toi quand on s'aimait et le génial N'aie pas peur de m'aimer, il reste du pain dans la cuisine... On regretterait presque que ces films n'existent pas ! Plus sérieusement, cette histoire de titres ronflants mise à part, c'est faire un mauvais procès au cinéma français que de l'enfermer constamment dans la catégorie "cinéma d'auteur verbeux et mou de la chique". Les bons films abondent davantage que les titres pompeux. Contre-enquête, MR73, Le serpent, Truands, Mon meilleur ami, La doublure, A l'intérieur, Les brigades du tigre sont parmi les bons films français que j'ai vus dernièrement.

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