dimanche 20 avril 2008

La tentation du cinéma humanitaire en Roumanie

Mon dernier séjour en Roumanie m'a donné l'occasion de découvrir deux documentaires de 2007 à vocation "humanitaire", c'est-à-dire destinés à faire prendre conscience au spectateur de la condition misérable de ses semblables. A ce sujet, la Roumanie reste une aire d'expérimentation tentante pour d'apprentis cinéastes en quête de sujets forts, de par sa proximité géographique et culturelle avec l'Occident et le cortège de clichés que cette partie du Vieux Continent ne cesse de véhiculer depuis des années. L'un des films jouit déjà d'une certaine notoriété, il s'agit de Stella de Vanina Vignal, qui décrit avec force empathie le quotidien pénible d'une quinquagénaire roumaine vivant avec son mari dans un camp de fortune en Seine-Saint-Denis et mendiant sur les marches de la station Oberkampf à Paris. La réalisatrice ne parvient pas à contourner l'écueil de la compassion face à la souffrance de ses personnages, éludant par conséquence de nombreuses interrogations qui auraient mérité quelques réponses. Malade, Stella mendie pendant que son mari reste "à la maison". Un relent de tradition machiste importé des Carpathes ? Comment Stella ose-t-elle se plaindre du délai d'obtention d'un dentier neuf alors que ces soins lui sont prodigués gratuitement ? Jamais les protagonistes ne sont mis face à leurs contradictions. Nous savons la France encombrée d'âmes charitables pétries de pitié et soucieuses de venir en aide à des populations qui n'en demandent pas tant, voilà sans doute pourquoi Stella le film a récolté une multitude de prix çà et là et bénéficié d'une diffusion sur Arte.

Plus méritoire est Casa Mia, film de fin d'études d'une jeune absolvante de l'Ecole du Documentaire de Bolzano (Italie), portraits croisés de deux jeunes orphelins de Bucarest pris en charge par la fondation Parada, estimable institution qui prône l'insertion des enfants des rues par le cirque et le théâtre. La réalisatrice Debora Scaperrotta filme ses protagonistes avec pudeur, parvient à les faire s'exprimer sur des sujets douloureux (la famille, la rue, la drogue) et à capter une émotion. Lorsque l'on connaît le caractère extrêmement sauvage de ces gamins très tôt désociabilisés, on ne peut que louer ce petit miracle. Pour l'anecdote, au début de l'année, au moment de collaborer à un reportage sur la fondation Parada pour la chaîne France 24, j'ai eu la surprise de retrouver Alex, l'un des deux bambins, dont l'appétit de vivre semblait avoir décuplé. A ma connaissance, Casa Mia n'a pas reçu de visa d'exploitation, mais un DVD artisanal muni de sous-titres en anglais, en allemand et en italien est disponible (c'est comme cela que j'ai pu voir le film). Pour se le procurer, il convient de s'adresser soit à l'école de Bolzano, propriétaire des droits (Zelig, Scuola di documentario, televisione e nuovi media) soit à la fondation Parada à Bucarest, qui dispose de quelques exemplaires.

Aucun commentaire: