jeudi 15 mai 2008

Angel Guts, ou l'art du viol

Ayant retrouvé dans mon gourbi une sublime édition britannique des cinq titres composant la série Angel Guts, que j’avais ramenée une année du Far East Film Festival d’Udine, j’ai entrepris de regarder l’ensemble d’une traite. Une vraie découverte.


Angel Guts, qui appartient au genre typiquement nippon du "pinku eiga" (historiettes violentes à fort potentiel érotique), a été produite entre 1978 et 1988 par la firme Nikkatsu, plutôt orientée vers les polars et les films de sabre. A l’origine de cette série se trouve Takashi Ishii, qui venait alors d’intégrer la Nikkatsu comme scénariste. L’occasion lui sera donnée de réaliser le cinquième et dernier volet de la saga, Red Vertigo, probablement le plus troublant avec son histoire de salary man au bout du rouleau qui, ayant renversé une infirmière (Nami) violée par ses patients, entreprend de la violer à son tour avant que cette dernière ne se donne à lui avec passion. Curieusement, c’est au cours de cet ultime épisode que les scènes de sexe sont les plus explicites, obligeant la censure à cacher les parties génitales par un effet de flou, comme cela est encore de mise au Japon. Car malgré les nombreuses séquences de nudité qui jalonnent les quatre volets précédents, pas un seul poil pubien ni le moindre bout de pénis n’apparaissent à l’écran. Il faut d’ailleurs voir avec quel talent les comédiens se contorsionnent pour cacher méthodiquement ces parties de leur anatomie.

Outre un thème récurrent (le viol) et une couleur prédominante (le rouge), la continuité de la série est assurée par le personnage de Nami Tsuchiya, interprété par une comédienne toujours différente. De faire-valoir anecdotique dans le premier opus High School Co-ed (une lycéenne malmenée par un voyou), elle gagne dès le second le statut de personnage principal pour ne plus le quitter. Dans Red Classroom, réalisé comme le précédent par Chusei Sone, elle est une comédienne de bandes érotiques clandestines qui suscite la convoitise d’un rédacteur de revue pornographique. A noter que ce dernier se nomme Muraki, un patronyme qui deviendra lui aussi récurrent dans les opus suivants. Dans le bien-nommé Nami de Noboru Tanaka (l’un des chantres du "roman porno"), elle est une journaliste travaillant pour un magazine féminin qui, partant à la rencontre de femmes victimes de viols, est assaillie par des cauchemars et des hallucinations. Dans Red Porno de Toshiharu Ikeda, elle est une modeste employée qui, forcée de poser nue pour une revue sadomasochiste, est poursuivie par un amateur fanatique.

A l’exception de High-School Co-ed, qui se démarque des quatre suivantes par une intrigue ayant plutôt trait au film d’action (trois voyous adeptes du viol s’entredéchirent sitôt que l’un d’entre eux entreprend de rentrer dans le droit chemin), toutes ces histoires se ressemblent. De courte durée (entre 65 et 90 minutes), elles sont surtout un terrain d’expérimentation idéal pour des cinéastes en quête de voyeurisme. Sur ce terrain, Red Porno va très loin, avec cette demoiselle se faisant jouir avec des mines de crayon et le pied d’une table retournée, laissant écouler un liquide jaunâtre le long des préservatifs. Pour chaque disque, l’éditeur Artsmagic, le grand spécialiste anglais du Japon (par ici le site), nous gratifie d’un entretien avec Takashi Ishii. Je ne peux que vous recommander ce coffret.

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