1982 fut une grande année. Pas seulement parce qu'elle vit mon arrivée en ce bas monde, mais aussi parce qu'elle fut incroyablement riche en "bis". D'où l'intérêt, vingt-six ans après, d'aller fouiner dans les archives pour découvrir ce que les critiques de l'époque pensaient de ces films auxquels quelques esprits malades continuent, encore aujourd'hui, de vouer un culte. A ce jeu, le bissophile endurci s'amusera ou s'indignera des appréciations données aux fleurons de la cuvée 1982 par les Fiches du Cinéma. Cette publication annuelle, qui existe encore*, était en ce temps-là éditée par la fort respectable association Chrétiens-Médias ("crétins-médias" me soufflent les mauvaises langues, allons bon...) et les films qui y étaient chroniqués étaient soumis aux appréciations de l'Office Catholique Français du Cinéma. On devine bien sûr l'effroi suscité chez ces cul-bénis de la critique bien-pensante par des films tels que L'Avion de l'apocalypse de Lenzi, Virus Cannibale de Mattei ou encore Anthropophagous de D'Amato (une grande année, qu'on vous dit !). Voilà par exemple le commentaire particulièrement constructif adressé à ce dernier : "Un film complètement nul sur tous les plans. Une accumulation d'intentions particulièrement horribles. Un propos nocif se dégage d'une atmosphère de violence et de sadisme". L'expression "film complètement nul" semble être très appréciée des rédacteurs puisque c'est ainsi qu'est également qualifié Virus Cannibale (pour le coup, ils n'ont peut-être pas tort). Certes il n'est guère étonnant qu'un comité religieux ait quelque mal à supporter la vision d'un cannibale dévorant ses propres entrailles, aussi nous ne tiendrons point rigueur de ces critiques faciles adressées à des bandes dont le statut de "chefs d'œuvres" est parfois même contesté parmi les amateurs. En revanche, oser dire de Massacre à la tronçonneuse que c'est "un film techniquement bâclé, très lent dont seule la fin est horrifique" relève du sacrilège pur et simple. En fait, c'est assez simple, tous les films relevant de l'exploitation ou comportant des scènes gore sont épinglés sans rémission : Blue Holocaust de D'Amato est un "film médiocre sur tous les plans et profondément malsain", La maison près du cimetière de Fulci (un chef-d'oeuvre pourtant) est "dépourvu de mise en scène, de qualités artistiques, d'originalité et de suspense" (rien que ça !), Maniac de William Lustig est "un film d'horreur totalement bâclé" qui fait montre d'une "exploitation honteuse de la violence et de la bestialité", Terreur à l'hôpital central de Jean-Claude Lord contient "un scénario invraisemblable (...) prétexte à une réalisation médiocre", Exterminator de James Glickenhaus est "un film voyeur, malsain, bâclé et très médiocrement interprété". Alors que les films de Rohmer, Varda, Herzog et Fassbinder figurent parmi ceux qui ont marqué l'année, le cinéma de genre de série B s'en prend plein la tronche. Les commentaires ne sont pas plus valorisants en ce qui concerne L'incroyable alligator de Lewis Teague, Cannibal Ferox de Lenzi, Les tueurs de l'éclipse de Ed Hunt, Class 1984 de Mark Lester, La ferme de la terreur de Craven, Carnage de Tony Maylam, Cauchemar à Daytona Beach de Romano Scavolini et Ilsa, tigresse du goulag de Jean Lafleur... Face à un tel acharnement, des messieurs nommés Pierre Charles, Jean-Pierre Putters ou Philippe Ross s'érigeaient en défenseurs d'un cinoche mal-aimé des ayatollahs de l'intelligentsia critique. Leurs héritiers sont aujourd'hui aux commandes de fanzines (Medusa, Diabolik Zone) ou de sites Internet (Psychovision, Zone Bis, Nanarland, 1Kult, Club des monstres)...
* Ayant commis l'imprudence de leur commander un jour quelques vieux exemplaires, je reçois désormais leur brochure chaque année, me suppliant de leur faire un don afin de permettre à la publication de survivre. On aura tout vu...
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