samedi 23 avril 2011

Le cas Ulli Lommel

Critiques. Il s'agit d'un cas très particulier, un cas qui mériterait une expertise psychiatrique, car nous sommes quelques-uns à nous demander si Ulli Lommel a encore toute sa tête. Pour la faire courte, Ulli Lommel a débuté sa carrière en Allemagne au début des années 70, dans l'entourage de Fassbinder pour lequel il a occupé divers postes, avant de s'enfuir aux États-Unis bosser un temps sous la férule d'Andy Warhol, après quoi il réalise le fameux Boogeyman, un slasher labellisé 80's avec le vieillard John Carradine qui, à l'époque, produit son petit effet. Des lors, Lommel n'aura de cesse d'œuvrer dans l'horreur bon marché (The Devonsville Terror avec Donald Pleasence, dont une vieille copie VHS doit moisir quelque part dans mon fourbi, annonce déjà le déclin), s'enfermant dans un registre de plus en plus underground. Depuis quelques années, le Prussien s'est spécialisé dans le "film de tueurs en série", réalisant en l'espace de quatre ans une bonne quinzaine de bandes sur le sujet. Lommel tourne à la vitesse de l'éclair, avec des budgets anémiques et des génériques remplis de pseudonymes. Cela fait plus de vingt ans que, sur les jaquettes de ses films, à son patronyme qui risque de ne pas parler à grand monde, on préfère la mention "from the director of The Boogeyman". Pas sûr que cela soit très vendeur non plus, mais qu'importe, Ulli s'obstine et, tout seul dans son coin, continue de pondre des trucs qui n'intéressent personne. A l'image d'un Uwe Boll dont il est un peu le père spirituel, il est copieusement ignoré des distributeurs français. Mais chez les Anglo-Saxons, où le marché du DTV fait encore recette, les films du réalisateur du Boogeyman se dénichent facilement. En Australie, c'est Peacock Films, dont le catalogue abonde en sous-produits crasseux sans budget, ni vedettes ni rien du tout, qui se charge de leur distribution. D'humeur masochiste, je me suis lancé dans une cure de "Lommeleries", dont je ne suis pas revenu entier.

Parmi ses derniers films, on trouve D.C. Sniper, qui s'emploie à restituer l'affaire du tireur embusqué de Washington D.C. Souvenez-vous, c'était en 2002, un sniper et son "mentor" terrorisaient les environs de la capitale américaine en abattant au hasard des badauds qui avaient pour seul tort d'être au mauvais endroit au mauvais moment. Il est sacrément couillu, le père Lommel, d'oser tourner une bande sur un fait-divers de cette envergure, avec deux dollars et trois acteurs. On sent que le type est rompu au système D. Comme il n'a ni voitures de police, ni uniformes, qu'il n'a pas le droit de filmer dans un tribunal, ni dans un commissariat, ni dans une prison, bref, comme il ne peut visiblement pas faire grand chose, il opte pour un style "reportage télé" et remplit son heure et dix minutes de longs plans en voiture et de pseudo-témoignages face caméra des "acteurs" de l'affaire, shootés à la va-comme-j'te-pousse dans ce qui ressemble à un sous-sol mal éclairé. Comme il n'a rien à filmer
ou presque, il se filme aussi lui même, lunettes noires et stetson vissé sur la tête dans le rôle inutile d'un détective bisseux accompagnant un agent en civil (ça évite de louer l'uniforme) passant la moitié du film à observer on ne sait trop quoi avec ses jumelles. La voix-off fait un super boulot, décrivant tout ce que Lommel n'a pas les moyens (ou l'ambition) de montrer à l'écran. Lommel à l'expérience pour tout contourner, pour faire l'infaisable, et le plus étonnant, c'est que ça passe, ça glisse tout doucement comme une pastille pour la gorge, surtout grâce à Ken Foree qui croît dur comme fer qu'il John Allen Muhammad. S'il semble que les véritables motivations des criminels n'aient jamais été clairement établies, Lommel opte pour un motif clairement racial et raciste, les tueurs, de race noire, ne choisissant d'abattre que des Blancs afin de venger l'oppression des Noirs.

Autre truc que Lommel a tourné à la va-vite : Absolute Evil. Là on n'est quand même pas très loin de "l'absolute merde". Ce n'est pas bis, c'est carrément pire que ça, c'est... comment dire... profondément underground. On pourrait même dire que ça tutoie dangereusement les tréfonds de l'amateurisme, s'il n'y avait pas, pour redresser le niveau, l'auguste présence d'un David Carradine qui, avant de rendre son dernier souffle une corde enroulée autour de la bite dans un hôtel de Bangkok, s'est vraiment compromis dans tout et n'importe quoi. Il y est vaguement question d'une fille qui flirte avec celui qui a tué de son père quinze ans plus tôt (notons que le boyfriend devait donc avoir 13 ans au moment de commettre le forfait), lequel est traqué par un chauve envoyé par Carradine pour venger la mort du père, tandis que le chauve est à son tour torturé par deux détectives chargés par la fille de retrouver l'assassin du père... C'est pas clair, mais à vrai dire, on s'en tamponne le coquillard, c'est d'abord très ennuyeux, puis ça en devient risible, et puis presque fascinant devant l'application de Lommel à vouloir se prendre au sérieux, malgré le rendu vidéo dégueulasse, le son pas très bien mixé et les acteurs pathétiques.. Le bonhomme est d'ailleurs sacrément narcissique, i
l faut le voir ajuster ses petites lunettes et son chapeau et prononcer trois phrases à portée hautement philosophique sur la définition du mal absolu (la photo plus haut est d'ailleurs extraite du film). Le générique nous indique la participation de l'ancienne gloire de la blaxploitation Gloria Hendry, mais j'ai remué tout le métrage sans jamais la trouver. Si quelqu'un peut aider...

2 commentaires:

bbjane a dit…

Lommel reste quand même l'auteur d'un vrai chef-d'œuvre sur le thème du serial-killer : "La Tendresse des loups" (1973)... Quand on voit sa production récente, c'est à se demander s'il s'agit bien du même cinéaste...

Gérard Varchetta a dit…

Merci de rappeler cela, en effet. Du temps où Lommel officiait encore en Allemagne...