Le fantôme demeure le leitmotiv du cinéma fantastique asiatique, et Taïwan ne fait pas exception à la règle. Le thème ayant désormais été exploité jusqu'à l'usure, il devient difficile d'innover. Pourtant Silk fait montre d'une créativité bienvenue. Le film de Chao-Bin Su fait subtilement dévier l'élément fantastique vers la science-fiction. Il y est question d'un chercheur japonais qui a mis au point un dispositif révolutionnaire permettant de capturer l'esprit des morts. Dans un immeuble sordide de la banlieue de Taipei il capture l'esprit d'un jeune garçon et fait appel à un policier capable de lire sur les lèvres afin d'enquêter sur les circonstances de la mort de l'enfant. Si la seconde partie prend une tournure décevante et parfois grotesque avec l'irruption du fantôme de la mère du défunt, la tension reste constante et distillée avec inspiration. Les attaques du petit spectre sont particulièrement efficaces, ce que renforcent les expressions de terreur laissées sur le visage des victimes. Silk (« soie » en anglais, allusion au fil de soie qui relie l'ectoplasme à ses victimes potentielles) est un film populaire à Taïwan et s'est bien vendu à l'exportation. La formule du succès réside souvent dans la présence de comédiens d'origine différente, ici on parle mandarin, japonais (entre l'inventeur et son financier incrédule) et un peu anglais lors de la scène d'ouverture où un gros Occidental expérimente maladroitement le procédé. Cela faisait longtemps qu'un film de fantômes ne m'avait pas surpris de la sorte, la chose mérite vraiment d'être découverte.
J'ai eu aussi l'occasion de mâter Good Will Evil, une histoire pas trop moche d'orpheline au comportement bizarre recueillie par un couple en plein marasme. Le mari est un politicard en vue qui adopte la môme dans le seul but de servir sa popularité et en abandonne la garde à son épouse psychologiquement fragile (elle a été enfermée dans le placard quand elle était petite). Cette dernière suspecte l'enfant de vouloir la rendre folle. Il faut dire qu'il y a quelque chose qui cloche chez cette gamine, à commencer par ce poupon quelque peu effrayant qu'elle trimballe partout. Le jouet ne serait-il pas possédé ? Commis par deux réalisateurs, voilà un exemple assez typique des films de fantômes/esprits vengeurs de catégorie moyenne qui envahissent les étagères de vidéo-clubs asiatiques, à savoir beaucoup de bruit (des grincements de portes, des bruissements de feuilles, des murmures) et d'effets de montage (des prolepses en pagaille) pour au final un résultat proche du passable.
Même constat pour The Heirloom de Leste Chen, banal film de maison hantée qui réserve toutefois son lot de situations glaçantes. Un jeune homme revenu à Taïwan après avoir grandi à l'étranger reçoit une maison en héritage après le suicide collectif des membres de sa famille. Là encore, ça gesticule un peu dans le vide mais on concèdera quelques trouvailles scénaristiques intéressantes. Ainsi quiconque éveille la vindicte de la demeure est condamné à se réveiller chaque matin dans les entrailles du bâtiment maudit. C'est à nouveau au contact de retours en arrière progressifs que l'on apprend le passé des lieux et les secrets malsains qui entourent la famille. Il y a bien quelques moments vraiment lugubres, le réalisateur a manifestement le savoir-faire pour mener sa barque à bon port et maintenir l'attention jusqu'au bout, mais c'est après avoir vu le film que le ressentiment se fait plus précis. On peine à se souvenir d'une seule bonne séquence, on se perd en confusion avec d'autres films similaires.
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