La Suisse n'est pas précisément réputée pour son cinéma de genre, bien que s'y tiennent quelques manifestations intéressantes ayant trait aux bas-fonds du cinoche d'exploitation (le NIFFF à Neuchâtel, l'Underground Film Festival à Lausanne). Un homme a pourtant décidé de rompre la monotonie ambiante, il s'appelle Jean-Clément Gunter et cela fait quelques années que le gugusse bricole des bandes horrifiques tout seul dans son coin, qu'il édite ensuite en DVD et distribue lui-même via sa société JCG Productions. Un autodidacte pur et dur, en somme. Intrigué par la petite réputation de son œuvre auprès des connaisseurs, relayée par quelques sites Web qui en assurent bravement la promotion, j'ai donc logiquement commandé auprès du réalisateur un DVD de son dernier méfait, Décadence, qui nous promet de la violence et du gore à foison. Après visionnage de la bestiole, le verdict tombe : c'est tout nase. Visuellement parlant, Décadence arbore le cachet d'un Jean Rollin des mauvais jours (ce qui, tout bien réfléchi, est peut-être un compliment), avec pléthore de plans approximatifs, des acteurs qui n'en sont pas et des effets gore très cheap qui, mine de rien, ont probablement nécessité beaucoup de boulot (une décapitation, pas évident à bricoler, ça !). L'histoire ? Trois psychopathes adeptes du satanisme vivent dans les bois et s'attaquent aux randonneurs égarés, qu'ils torturent, tuent et bouffent. Difficile de tenir la route avec un synopsis aussi ambitieux, qui s'étale sur plus d'une heure vingt et multiplie les personnages, quand on dispose d'un budget famélique. Difficile en effet d'engager des comédiens crédibles, obligation de faire jouer des potes qui manquent d'éclater de rire à chaque réplique, pas moyen de s'offrir les services d'un maquilleur chevronné pour les trucages. Le résultat est si laborieux qu'il m'a été impossible de regarder le film d'un trait, entrecoupant régulièrement la projection de pauses Roland-Garros. L'ambition aurait été plus raisonnable en format court. Louons tout de même l'entreprise, qui permet au cinéma helvétique de proposer autre chose que du Alain Tanner. Et soyons honnêtes : beaucoup d'entre nous seraient incapables d'en faire autant.
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